2 juillet 2025 Nabil Bouamama

Montpellier & Angers : quand l’IA réinvente la gestion RH à l’hôpital

68 % des hôpitaux utilisent déjà des outils numériques pour gérer absences et remplacements. À Montpellier et Angers, l’intelligence artificielle s’invite dans les RH hospitalières pour transformer les pratiques, accompagner les soignants… et redonner du sens au travail.

Deux CHU, deux stratégies pionnières

Montpellier et Angers avancent sur deux fronts complémentaires. À Montpellier, l’intelligence artificielle s’intègre dans une stratégie globale de transformation managériale, à travers l’École de la Transformation Hospitalière (ETH) et le centre de recherche ERIOS. À Angers, l’IA devient un moyen d’augmenter la productivité, de sécurisation et d’automatisation des processus RH, jusqu’ici chronophages et souvent manuels.

Le CHU de Montpellier a structuré sa mutation RH autour de l’ETH, une école interne qui accompagne chaque année deux promotions de 60 cadres et professionnels hospitaliers. L’objectif ? Préparer l’encadrement aux huit défis du projet d’établissement 2023-2027, de la simplification administrative à l’écoconception des soins.

Parmi les thèmes phares abordés : l’intelligence artificielle

Des ateliers dédiés forment les participants aux usages de l’IA dans les soins, la gestion, l’achat public, ou encore l’aide à la décision. L’enjeu : permettre à chaque service de se projeter dans des transformations concrètes, comme le pré-traitement des offres de marché ou l’assistance juridique automatisée.

Jérôme Euvrard, directeur du numérique au CHU, résume la philosophie : « L’IA doit augmenter l’hôpital, pas le remplacer. Elle permet de se recentrer sur le soin en allégeant les tâches à faible valeur ajoutée. »

ERIOS : l’IA co-construite par les soignants

Créé en 2022, le centre ERIOS (Espace de recherche et d’intégration des outils numériques en santé) repousse les limites des usages de l’IA à l’hôpital. Placé sous la responsabilité du Dr David Morquin, il applique une méthode de co-design impliquant les professionnels de santé à toutes les étapes de développement.

Concrètement, ERIOS a déjà mis au point :

  • Un outil d’aide à la décision pour les prescriptions antibiotiques,
  • Un assistant pour gérer les parcours complexes en psychiatrie,
  • Des travaux en cours sur la douleur, les transmissions infirmières ou encore l’IA générative pour éditer des documents à destination des patients.

L’IA conversationnelle est également testée pour retranscrire automatiquement les consultations, alléger la saisie médicale et mieux visualiser les données patients. Ces solutions sont évaluées à la fois sur leur efficacité clinique et leur acceptabilité éthique.

À Angers, l’IA transforme les processus RH

Le CHU d’Angers a choisi une autre voie : expérimenter l’IA directement dans la gestion RH, en ciblant l’automatisation des tâches répétitives et la sécurisation des flux d’information.

Clément Triballeau, DRH de l’établissement, détaille : « Nous avons déployé des outils basés sur ChatGPT ou Doctrine pour automatiser des processus internes comme les départs, remplacements, ou les demandes de temps partiel. Résultat : du temps gagné, des erreurs évitées, et une meilleure qualité de service RH. »

Maxime Le Coz, responsable du contrôle de gestion RH, souligne que même sans formation informatique, l’équipe est aujourd’hui capable de générer ses propres macros et scripts automatisés grâce à l’IA. « C’est une révolution dans notre quotidien. »

Des cas d’usage concrets et duplicables

À Angers, plusieurs outils sont déjà opérationnels :

  • Un outil de gestion des entrées/sorties des agents (avec validation automatisée).
  • Un suivi automatisé des absences injustifiées.
  • Un système d’automatisation des changements de temps de travail ou des paiements liés à l’activité.

Ces innovations s’inscrivent dans une logique de contrôle interne RH structuré, avec cartographie des processus, audit interne et développement de formulaires numériques pour limiter les erreurs et fluidifier les échanges.

Vers une acculturation et un comité d’éthique

Pour favoriser l’adoption, le CHU d’Angers mise sur l’acculturation. Un séminaire RH rassemblant 60 gestionnaires sera organisé, afin de démystifier l’IA et d’encourager chacun à devenir force de proposition. Et pour encadrer ces usages, un Comité de la Garantie Humaine de l’IA verra le jour en 2025.

Parmi les projets en cours : un chatbot RH pour répondre aux questions fréquentes des agents, ou encore un outil d’aide au tri de CV, inspiré du secteur privé mais encore peu exploité dans la fonction publique hospitalière.

Une transformation progressive mais engagée

Si les défis restent nombreux (coût des licences, accompagnement des équipes, sécurisation des données), Montpellier et Angers montrent que l’IA peut être un levier de revalorisation des métiers RH, de qualité de vie au travail, et d’attractivité pour des hôpitaux confrontés à une crise des vocations.