Logistique augmentée : quand l’IA redéfinit les flux hospitaliers (OPTACARE, CHU STRASBOURG , AP-HP)
De la prévision de la demande à l’optimisation des stocks, en passant par la réconciliation des flux ou l’accompagnement des utilisateurs, l’IA s’impose peu à peu comme un levier d’organisation pour la logistique hospitalière. Lors de la Journée nationale ANAP & RESAH 2025, deux ateliers phares – « Quand l’algorithme donne le rythme » et « IA : des stocks ad hoc » – ont mis en lumière les trajectoires engagées par l’AP-HP, les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et leur partenaire Optacare.
L’AP-HP prépare 2029 avec 7 cas d’usage d’IA pour moderniser la logistique hospitalière
À l’AP-HP, l’IA est envisagée comme un levier dans la refonte de la chaîne d’approvisionnement à l’horizon 2029. Comme l’a exposé Franck Caupin, chef de projet MOA SI Finance à l’AP-HP, les sept cas d’usage identifiés découlent d’un travail de définition des besoins internes, croisé avec une analyse des usages déjà éprouvés dans d’autres secteurs industriels. À ce stade, les travaux portent sur sept cas d’usage identifiés dans le cadre de réflexions exploratoires, avec pour objectif de moderniser la gestion des approvisionnements. Ces cas couvrent un large spectre :
- Prévision de la demande : modéliser la consommation à partir de données historiques, de tensions fournisseurs, d’indicateurs épidémiologiques et météorologiques, pour anticiper les besoins et sécuriser les stocks.
- Amélioration intralogistique : optimiser le rangement, la gestion des emplacements et la préparation des commandes en pharmacie, entrepôts ou magasins grâce à l’IA et à la robotique légère.
- Optimisation des transports : planifier les tournées de livraison (humaines ou automatisées) les volumes et la localisation, afin de réduire les kilomètres parcourus et les délais.
- Réconciliation des flux physiques et numériques : détecter automatiquement les écarts entre les stocks réels et ceux déclarés dans les SI, pour fiabiliser les inventaires et sécuriser la traçabilité.
- Accompagnement à l’apprentissage des SI : proposer des agents IA tutoriels pour guider les utilisateurs dans l’appropriation des nouveaux outils, corriger les erreurs en temps réel et fluidifier les usages.
- Traitement documentaire automatisé : interroger, classer et exploiter les bases documentaires internes (produits, contrats, commandes) via l’IA générative, pour réduire les délais de traitement.
- Support client automatisé : générer des réponses de premier niveau pour les demandes internes liées aux approvisionnements ou aux stocks.
Aucun de ces cas d’usage n’est encore opérationnel, mais tous ont vocation à être testés à court ou moyen terme, dans une logique d’expérimentation progressive.
Accompagner sans surdimensionner : une stratégie en trois temps portée par UniHA
Thomas JAN, Directeur général adjoint d’UniHA, a rappelé que si l’IA suscite aujourd’hui de fortes attentes, elle reste également un sujet source d’appréhensions dans les établissements hospitaliers. Le manque de lisibilité sur les cas d’usage, la pression financière, la vitesse de renouvellement technologique, la multiplication des acteurs, ainsi que l’absence de compétences internes constituent autant de freins à son déploiement. Pour y répondre, UniHA a développé une offre de service structurée autour de trois piliers :
- Pédagogie : former les acteurs hospitaliers aux usages réels de l’IA, clarifier ce qu’elle peut – ou ne peut – apporter, et sensibiliser aux enjeux de sécurité, d’éthique et de souveraineté des données.
- Déploiement : accompagner les établissements dans le choix des projets adaptés à leur maturité, structurer la gouvernance, et orienter vers les bons prestataires selon les besoins (logistique, pharmacie, SI).
- Évaluation : promouvoir des indicateurs de réussite au-delà du financier – comme la qualité de vie au travail, la satisfaction des utilisateurs ou la continuité des soins – et favoriser le partage d’expériences entre établissements.
Aujourd’hui, UniHA propose d’accompagner financièrement les établissements qui souhaitent engager une transformation logistique appuyée sur l’IA, notamment dans les secteurs sous tension comme les approvisionnements en médicaments. Pour UniHA, l’objectif est de ne pas rater le virage, tout en assurant un accompagnement adapté aux réalités opérationnelles des hôpitaux.
Des prévisions dynamiques et simulables : l’exemple d’OPTACARE aux HUS
L’atelier « IA : des stocks ad hoc » a présenté l’expérimentation conduite par les HUS avec la société OPTACARE. Leur solution d’IA « Stock » est centrée sur l’optimisation en temps réel des stocks de médicaments et de dispositifs médicaux. Elle repose sur une double classification des références (par usage et par criticité), enrichie de modèles prédictifs alimentés par plus d’un million de lignes issues des SI GEF hospitaliers. Les utilisateurs accèdent à des politiques de réapprovisionnement dynamiques, ajustables, avec des tableaux de bord intégrant projections, alertes et aides à la décision. L’approche permet de passer d’une logique statique de stock à un pilotage continu, fondé sur la réalité des consommations.
Logistique hospitalière : l’IA réduit les coûts de 63 % et maintient un taux de service à 99,5 %
Les premiers résultats issus de simulations sur 2023 et 2024 sont significatifs. Pour un médicament antibiotique, la solution a permis de réduire de 63 % le coût de détention et de 16 % le nombre de commandes. Pour un antidote classé BZ, une baisse de 67 % du coût d’acquisition a été constatée. L’outil permet également de diminuer le nombre de commandes d’environ 20 %, tout en maintenant un taux de service supérieur à 99,5 %. Au-delà des résultats économiques, les gains portent aussi sur la qualité de vie au travail des gestionnaires, la réactivité face aux ruptures, et la robustesse globale du système logistique hospitalier. L’IA devient ici un outil de simulation, de décision, mais aussi de sécurisation des parcours patients.