Jumeaux numériques : lancement d’un groupe de travail pour encadrer les usages en santé
Un groupe de travail piloté par la DNS s’ouvre pour produire une doctrine encadrant le recours aux jumeaux numériques appliqués à la santé humaine.
Réduction de la personne, biais algorithmiques : les défis éthiques des jumeaux numériques en débat
Biais algorithmiques, réduction de la personne à ses données, usages prédictifs : face aux risques associés aux jumeaux numériques, la Délégation au numérique en santé met en place un groupe de travail pour définir une doctrine d’usage. Le groupe GT15 est chargé d’élaborer des recommandations pour encadrer le recours aux jumeaux numériques appliqués à l’humain, entre promesses d’aide à la décision médicale et dérives potentielles.
Pensés comme des représentations dynamiques et évolutives d’un individu ou d’un organe, les jumeaux numériques s’appuient sur des données personnelles, physiologiques, biologiques et environnementales. Leur objectif : simuler des trajectoires cliniques, anticiper des réponses thérapeutiques ou explorer différents scénarios médicaux. Mais cette approche soulève des défis. Le premier est celui de la réduction de la personne : modéliser un individu à partir de données pose le risque de confondre une construction partielle et déterminée avec la complexité d’un être humain. Le second enjeu concerne les usages prédictifs, qui pourraient enfermer un patient dans des scénarios déterminés, au détriment de l’incertitude nécessaire au raisonnement médical. D’autres préoccupations sont pointées : automatisation de la décision, opacité des algorithmes, biais dans les jeux de données ou encore fragilisation du lien de confiance entre patient et soignant.
Entre aide à la décision et opacité des systèmes : la DNS trace les limites d’usage des jumeaux numériques
L’introduction du jumeau numérique modifie la relation de soin en y ajoutant deux nouveaux acteurs : le modèle lui-même, et son concepteur. Cette « quadrangulation » complexifie la répartition des responsabilités et appelle à repenser les processus de décision partagée. Les experts mandatés par la Cellule éthique de la DNS insistent : le jumeau numérique doit rester un outil d’aide, non un prescripteur. Il doit être transparent, interprétable, contextualisable et toujours intégré dans un dialogue clinique. La vigilance est de mise pour éviter une délégation implicite de la décision médicale à des systèmes opaques ou biaisés.
Repenser la décision médicale dans un environnement technologique complexe
Pour répondre à ces enjeux, la DNS a mis en place le groupe de travail GT15, réunissant des professionnels de santé, chercheurs, philosophes, juristes et acteurs du numérique. Sa mission : produire une doctrine d’usage qui balise les conditions de recours aux jumeaux numériques appliqués à l’humain. Le rapport préparatoire, publié en amont des travaux, pose les bases de cette réflexion et identifie les garde-fous à consolider : pluralité des modèles, explicabilité des systèmes, transparence des processus, et respect de l’autonomie des patients.
Pluralité des modèles : éviter le monopole d’une vérité algorithmique
L’un des premiers garde-fous évoqués est la pluralité des modèles. Il s’agit de favoriser le développement et l’usage de jumeaux numériques fondés sur des approches différentes, pour éviter qu’un seul modèle — ou un seul fournisseur — n’impose une représentation unique de la réalité biologique ou pathologique. Cette pluralité permet de confronter les interprétations, de questionner les résultats et d’éviter la tentation d’une vérité algorithmique présentée comme objective. Elle s’inscrit dans une logique de débat scientifique et de prudence clinique.
Explicabilité des systèmes : rendre les mécanismes intelligibles
Deuxième principe, l’explicabilité des systèmes est une condition de leur intégration éthique dans le soin. Les professionnels de santé doivent être en mesure de comprendre les mécanismes à l’origine des recommandations proposées par un jumeau numérique. Cela suppose une documentation des choix de conception, des hypothèses initiales, des limites du modèle et des incertitudes associées. L’opacité algorithmique constitue un frein à la confiance, au discernement médical, et à l’appropriation des outils.
Transparence des processus : identifier les responsabilités
La transparence des processus vise à rendre visible l’ensemble des acteurs, des étapes de conception, de validation et d’utilisation des jumeaux numériques. Cela implique de clarifier :
- Qui construit le modèle et avec quelles données.
- Sur quels référentiels il repose.
- Comment il est mis à jour et contrôlé.
- Et dans quelles conditions il est utilisé en pratique.
Respect de l’autonomie des patients : garantir le droit au choix et à la discussion
Enfin, le respect de l’autonomie des patients impose que les jumeaux numériques ne deviennent ni prescripteurs, ni instruments de contrainte. Le patient doit rester en position de choisir, de comprendre et de contester les options proposées. Cela suppose un effort pédagogique, la possibilité de discuter les résultats, et le maintien d’une relation humaine au cœur de la décision médicale. Le jumeau numérique ne doit pas enfermer l’individu dans des trajectoires prédictives perçues comme inéluctables.
Le GT15 doit désormais transformer ces principes en recommandations opérationnelles pour que les innovations technologiques s’intègrent dans le soin sans en fragiliser les fondements.
Délégation au numérique en santé. Décryptage – Jumeaux numériques en santé.