2 juillet 2025 Nabil Bouamama

“Ces outils, s’ils sont bien utilisés, permettent de fluidifier l’organisation du travail et de gagner du temps administratif” Mathieu Girier, Anap.

L’Intelligence artificielle est utilisée pour les RH à l’hôpital dans plusieurs secteurs : les plannings le recrutement, la prévision de l’absentéisme et la formation. Bien que des solutions aient déjà fait leurs preuves, des défis techniques et humains subsistent pour leur implémentation.

Afin d’enrichir son étude sur l’utilisation de l’IA dans le secteur des ressources humaines à l’hôpital, H&TI s’est entretenu avec Mathieu Girier directeur du pôle performance des ressources humaines pour l’Agence nationale de la performance hospitalière. Au programme cas d’usage, freins et clés de réussite pour une intégration de l’IA réussie.

Planning, recrutement, QVCT, absentéisme et formation : 4 axes pour l’utilisation de l’IA pour les RH à l’hôpital 

L’intelligence artificielle s’invite de plus en plus dans la gestion des ressources humaines en milieu hospitalier, avec des cas d’usage qui se structurent autour de quatre grands axes. Premièrement le traitement automatisé des candidatures : l’IA permet de trier les CV, d’analyser les compétences et de préqualifier les profils. Cela n’est pas spécifique aux hôpitaux mais fait partie des technologies utilisées par ces derniers. Le deuxième axe, la planification et la gestion des plannings, mobilise l’IA pour optimiser les affectations, anticiper les sous-effectifs et générer des plannings adaptés aux multiples contraintes. « Ces outils, s’ils sont bien utilisés, permettent de fluidifier l’organisation du travail, de gagner du temps administratif, et parfois de réduire les tensions internes » indique Mathieu Girier. Le troisième axe est celui des indicateurs RH : il s’agit de détecter de manière automatique les signaux faibles de l’absentéisme, du turnover, ou de l’usure professionnelle. Enfin, il existe aussi des solutions d’IA pour le soutien à la formation et au développement des compétences, ceci se fait via du microlearning personnalisé, ou par l’analyse des besoins en compétences via le traitement de données internes.

Un levier d’appui, pas un outil de substitution, rappelle l’ANAP

L’intégration de l’IA en RH à l’hôpital se heurte à plusieurs obstacles, à la fois techniques, organisationnels et humains. Sur le plan technique, les systèmes d’information RH sont très hétérogènes, à la fois par leur nature et par leur degré de numérisation, ce qui limite la capacité de certains à exploiter les données nécessaires. Sur le plan organisationnel, la complexité réglementaire de la fonction publique hospitalière implique des adaptations spécifiques par rapport à des secteurs plus communs, cependant c’est un obstacle surmontable. Mais c’est surtout sur le plan humain et managérial que les résistances sont les plus fortes. « L’introduction de l’IA vient bousculer les habitudes, les rôles, parfois même les identités professionnelles des agents RH » souligne Mathieu Girier. Chez les managers, la principale crainte est la perte de contrôle, tandis que les agents redoutent, quant à eux, la déshumanisation des processus et une surveillance intrusive. Face à ces craintes, il est essentiel de promouvoir une IA éthique, transparente et centrée sur l’humain, pour que l’intelligence artificielle soit un levier d’appui, et non un outil de substitution.

Outil d’amélioration du travail si acculturation et dialogue sont au rendez-vous

Au-delà des aspects technologiques, l’intégration de l’IA en RH à l’hôpital est avant tout une question organisationnelle et culturelle. « L’enjeu n’est pas seulement technologique. Il est avant tout organisationnel et culturel : comment faire de l’IA un levier de qualité du travail, de pertinence des décisions, et de sens pour les professionnels ? », résume le directeur de la performance des ressources humaines de l’ANAP. Il s’agit donc d’accompagner collectivement cette transformation, en favorisant l’acculturation, la formation et le dialogue. L’objectif est de faire en sorte que l’IA renforce la capacité d’agir des acteurs, libère du temps et apporte de la valeur ajoutée au fonctionnement collectif des équipes. Cette trajectoire nécessite une attention particulière à la transparence, à l’éthique et à la place de l’humain dans les processus, afin que l’IA soit perçue comme un véritable outil d’amélioration du travail et du bien-être des professionnels de santé, et non comme un changement subi.