Gaspillage médicamenteux : entre 561 M€ et 1,7 Md€ de pertes estimées par an (rapport de la Cour des comptes)
Plus de 5 000 signalements de ruptures de stocks ont été enregistrés en 2023, tandis que le gaspillage médicamenteux est estimé entre 561 millions et 1,7 milliard d’euros par an
Prescriptions inadaptées, mésusage, surconsommation : la Cour des comptes recense les risques liés aux produits de santé
La Cour des comptes consacre son rapport thématique 2025 au bon usage des produits de santé — médicaments et dispositifs médicaux — dont la consommation pèse lourdement sur les finances sociales : 36,05 Md€ ont été remboursés par l’assurance maladie en 2023, en progression de près de 12 % depuis 2019. La dynamique est particulièrement marquée en milieu hospitalier, avec une hausse annuelle moyenne de 14 % pour les médicaments innovants hors T2A. Mais au-delà des coûts, le rapport souligne une pluralité d’enjeux : risques sanitaires liés à la mauvaise utilisation, gaspillage, tensions d’approvisionnement, et impact environnemental. Les prescriptions inappropriées ou non conformes persistent, notamment pour les antalgiques, antibiotiques, antidiabétiques ou contraceptifs, avec un risque accru chez les publics vulnérables. La France reste ainsi le 4ᵉ pays de l’OCDE pour la consommation d’antibiotiques.
Interopérabilité défaillante, Dossier médical partagé sous utilisé, la Cour pointe des lacunes dans la traçabilité des prescripteurs
La Cour insiste sur la méconnaissance persistante des usages réels, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. L’absence d’identification systématique des prescripteurs hospitaliers dans les bases de données nationales limite les leviers d’action. Les systèmes d’information tels que le dossier médical partagé (DMP) sont encore sous-utilisés : seuls 30 000 médecins l’alimentent régulièrement, sur plus de 110 000 conventionnés. Le manque d’interopérabilité entre le DMP et le dossier pharmaceutique ou les logiciels de prescription freine également le partage d’informations critiques. La généralisation de l’ordonnance numérique, encore incomplète, et le développement de l’aide à la prescription font partie des axes jugés prometteurs, mais insuffisamment exploités.
Pharmacies hospitalières : des outils d’optimisation sans évaluation nationale
La rémunération sur objectifs de santé publique reste limitée : elle ne couvre qu’environ la moitié des médecins libéraux. La Cour relève aussi que l’efficacité des campagnes d’information (courriels, lettres) adressées par l’assurance maladie reste difficile à évaluer.
Trois dispositifs ont été introduits ou étendus récemment :
- L’accompagnement de la prescription via vérification de l’indication thérapeutique pour certains médicaments.
- L’ordonnance sécurisée obligatoire pour la codéine et le tramadol (depuis mars 2025).
- Et la demande d’accord préalable pour certains traitements.
En établissement, les pharmacies à usage intérieur optimisent les stocks et recourent à l’automatisation, mais les résultats restent inégalement évalués. Le rapport recommande de renforcer la coordination à la sortie d’hospitalisation, notamment sur les prescriptions post-opératoires.
Gaspillage médicamenteux : conditionnements inadaptés et péremptions trop courtes pointés par la Cour
Les pharmaciens d’officine peuvent accentuer leur contribution au bon usage : substitution de génériques, généralisation des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) pour limiter les prescriptions inutiles, en particulier d’antibiotiques. En octobre 2024, 370 000 TROD ont été réalisés, chiffre encore modeste au regard des neuf millions d’angines annuelles. Le rapport appelle également à des actions ciblées sur les industriels : conditionnements plus adaptés, durées de péremption plus longues, et élargissement du champ de réutilisation ou re-dispensation des médicaments coûteux. L’éco-organisme Cyclamed pourrait être mobilisé pour produire des données de caractérisation sur les médicaments jetés.
La Cour émet sept recommandations :
- L’identification individuelle des prescripteurs hospitaliers (d’ici 2027).
- Des études de caractérisation des médicaments jetés.
- L’intégration des données de dispensation au DMP.
- L’élargissement du dispositif d’accompagnement à d’autres molécules à risque.
- La prise en compte du conditionnement et des dates de péremption dans les négociations tarifaires.