Hôpitaux : un soignant sur trois quitte son poste dans les cinq ans
Primes de fidélisation, CDI intérimaire, mentorat et bonus à l’embauche sont mobilisés pour stabiliser les équipes, tandis que l’IA accélère le matching dans le recrutement hospitalier.
La France compte 336,5 soignants pour 10 000 habitants contre 407 en moyenne européenne (The Lancet). Avant l’été, 20 % des services d’urgence annonçaient des restrictions faute de personnel. Selon la FHF, près d’un soignant sur trois quitte son poste dans les cinq premières années, alimentant un cercle de surcharge et de désengagement. L’absentéisme atteint 9,9 % certains établissements, ce qui provoque une forte pression sur les équipes et un recours coûteux à l’intérim. Malgré une hausse des effectifs hospitaliers entre 2015 et 2020 (+6 % pour les médecins, +1 % pour les personnels non médicaux selon la DRESS), les établissements peinent à répondre aux besoins. Le manque d’infirmiers et de personnel, notamment de nuit, pèse sur la continuité des soins et alourdit la charge des équipes en place.
Recul de l’absentéisme hospitalier à 9,5 % en 2023, mais des difficultés concentrées sur certains métiers non médicaux
Du côté des ressources humaines hospitalières, 66 % des établissements signalent des difficultés de recrutement concentrées sur certains métiers non médicaux, avec des disparités selon les fonctions. Si 55 % des hôpitaux n’ont pas de difficultés à recruter des gestionnaires de paie ou des acheteurs, 44 % font état de difficultés conséquentes pour recruter des infirmières. La moitié des centres hospitaliers universitaires ont constaté une progression des recrutements de soignants en sortie d’école entre l’été 2022 et l’été 2023. Parallèlement, 57 % des hôpitaux indiquent recruter sans difficulté des techniciens de laboratoire médical.
Les données, issues de 311 établissements (dont 27 CHU et 226 centres hospitaliers), confirment que l’attractivité hospitalière ne se résume pas aux statuts, comme le rappelle la FHF. Les tensions sur le recrutement et la nécessité d’améliorer les conditions de travail restent des axes pour stabiliser les équipes.
Fidéliser les soignants face au turnover
Pour répondre à cette instabilité, des primes de fidélisation apparaissent dans certains hôpitaux, avec des cycles de travail mieux équilibrés et des dispositifs de mentorat pour accompagner les jeunes diplômés. Le développement du CDI intérimaire, proposé notamment par AEGIS RH, attire des soignants en quête de stabilité tout en répondant à leurs besoins de flexibilité.
- En Bourgogne-Franche-Comté, des cliniques proposent des bonus à l’embauche pouvant atteindre 5 000 euros pour attirer des infirmiers spécialisés. Pour se démarquer, les hôpitaux travaillent leur image employeur et valorisent la qualité de vie au travail.
La prévention du burn-out reste une priorité. Le CHU de Lille a ouvert une cellule d’écoute psychologique, tandis que certains établissements testent des semaines de quatre jours sur certains postes. Face aux contraintes de recrutement, le CDI intérimaire se développe comme une solution combinant stabilité et flexibilité. Il permet aux soignants de choisir leurs missions tout en bénéficiant d’un contrat stable, et réduisant le turnover pour l’établissement.
68 % des hôpitaux français digitalisent leur gestion des effectifs en 2025
Selon l’Observatoire des RH Hospitaliers, 68 % des hôpitaux français utilisent des outils numériques pour optimiser la gestion des absences et des remplacements. L’intelligence artificielle et les algorithmes prédictifs permettent d’anticiper les besoins en personnel en fonction de l’activité hospitalière, mais aussi de mieux planifier les activités des établissements.
- L’AP-HP a mis en place une plateforme centralisée de gestion RH pour attribuer automatiquement les soignants aux services sous-dotés. La Clinique Pasteur à Toulouse utilise des chatbots RH pour simplifier les demandes de congés et les candidatures internes, fluidifiant ainsi la gestion quotidienne.
L’IA réduit les délais et améliore la pertinence des recrutements
Des plateformes intégrant l’IA, comme Med & Jobs, facilitent le matching entre les profils et les besoins des établissements en tenant compte des compétences techniques, de la compatibilité culturelle et de la projection à long terme des candidats. Cette automatisation des process réduit le délai de recrutement et améliore la qualité des embauches. L’internationalisation du recrutement complète ces stratégies, avec des établissements se tournant vers l’Europe et l’Afrique francophone pour faire face aux tensions locales.
4 des 5 meilleurs plannings réalisés par IA au Duel ANAP
La gestion des plannings occupe jusqu’à 50 % du temps des cadres de santé, selon l’ANAP. La startup française Hopia propose une solution qui, grâce à des algorithmes d’apprentissage automatique, génère des plannings optimisés, intégrant contraintes réglementaires, profils de compétences et besoins en soins. Le CHU de Brest a ainsi constaté une réduction de 50 % du temps consacré aux plannings grâce à cette solution, libérant les cadres pour des missions à plus forte valeur ajoutée. Une expérimentation menée par l’ANAP en mars 2025 a montré que les solutions d’IA peuvent obtenir des résultats supérieurs aux méthodes classiques, avec un score de 95/100 pour un planning réalisé avec IA contre 27/100 pour une méthode manuelle.
Pilotage de la masse salariale : un équilibre coût-qualité
La masse salariale représente entre 60 et 85 % des dépenses des établissements de santé. L’intégration d’outils d’IA permet d’anticiper les besoins en effectifs via des algorithmes prédictifs, réduisant le recours aux remplacements d’urgence. Selon l’Observatoire des RH Hospitaliers, 68 % des hôpitaux utilisent déjà des outils numériques pour gérer absences et remplacements. Les plateformes IA permettent d’analyser les données d’activité et d’absentéisme afin d’optimiser les plannings et ajuster les effectifs en temps réel.
« Objectif IA » et « Cafés IA » : des dispositifs pour acculturer les cadres hospitaliers
L’intégration de l’IA dans les fonctions RH nécessite un accompagnement au changement. Le programme MENTOR de l’État propose des modules tels que « Objectif IA » ou « Découvrir les IA génératives » pour les agents, visant à renforcer les compétences sur l’usage de l’IA dans la gestion des ressources humaines. La DGAFP organise également des « Cafés IA » afin de partager retours d’expériences et bonnes pratiques, tout en favorisant une acculturation progressive des cadres hospitaliers aux enjeux liés à l’automatisation.
Face aux tensions sur les effectifs et aux contraintes budgétaires, l’intelligence artificielle s’intègre progressivement dans les fonctions RH hospitalières. Utilisée par près d’une organisation sur deux pour la santé et la sécurité au travail, elle contribue à anticiper les absences, ajuster les plannings et prévenir certains risques liés aux conditions de travail. Ces outils complètent les démarches de qualité de vie au travail et participent à une gestion plus réactive des ressources humaines dans les établissements de santé.

@Health & Tech Intelligence